En Belgique, les PME (< 50 personnes) représentent (source: Ministère de l’économie, 2012) :

  • 97% des entreprises
  • 55% de l’emploi

En général, les méthodes d’évaluation traditionnellement utilisées pour les PME sont les mêmes que pour les grandes entreprises et sociétés cotées :

  • Approche par le rendement: Discounted Cash Flow (DCF) et Capitalisation des résultats --> approche de référence
  • Approche par le marché: multiples --> fréquemment utilisée à titre de validation
  • Approche par les coûts --> dans certains cas spécifiques

Les PME présentent cependant certaines caractéristiques uniques qui impactent le mode de détermination des paramètres de base de l’évaluation (cash-flows/résultats, taux d’actualisation…) et qui peuvent impacter la valeur de l’entreprise.

Les 5 challenges de l’évaluation des PME en Belgique sont :


1. La normalisation des états financiers historiques

Les états financiers historiques ne donnent pas forcément un état correct de la situation future. La législation comptable étant basée sur le principe de prudence, les valeurs reprises dans les comptes ne correspondent pas toujours à la valeur réelle. Comment déterminer le niveau économique des cash-flows (DCF) ou des résultats (multiples)?

  • Normaliser (voire même reconstruire) les états financiers: estimation d’une rémunération économiquement justifiée, suppression des frais non indispensables…
  • Comparer avec les marges de sociétés comparables

 

2. L’absence d’accès au marché des capitaux

Pour beacoup d'entreprises, la référence au marché des capitaux n'est pas un critère pour la valorisation. Il faut, sur la base d'autres méthodes, estimer ce coût des fonds propres. Comment estimer le coût des fonds propres ?

  • Beta (indicateur du risque) basé sur un beta sectoriel, un beta comptable…
  • Coût des dettes basé sur un contrat de crédit récent, un rating synthétique (« interest coverage ratio »)…
  • Ratio fonds propres/dettes (basé sur les valeurs de marché): utilisation de valeurs des fonds propres et des dettes (référence circulaire), de ratio sectoriel, de ratio cible…

 

3. L’absence de liquidité des titres

La valeur des titres est également influencée par le nombre d'acheteurs potentiels. Comment intégrer, dans la valeur de l’entreprise, l’illiquidité de ses titres?

  • Décote d’illiquidité forfaitaire; variant généralement de 10% à 40% (par référence à plusieurs modèles)
  • Facteurs spécifiques à considérer: taille de l’entreprise, éventail d’acquéreurs potentiels, santé financière, capacité à générer des cash-flows, pacte d’actionnaires limitant les possibilités de cession…
  • Dans les méthodes DCF, l’illiquidité peut également être considérée en ajustant le taux d’actualisation (c.à.d. en ajoutant une prime de risque spécifique aux investissements non liquides)

 

4. La dépendance au dirigeant

La valeur d'une entreprise dépend parfois de la personnalité et des capacités du dirigeant.Comment intégrer, dans la valeur de l’entreprise, ce risque de dépendance/de continuité?

  • Prime de risque liée au caractère « intuitu personae » de l’activité (ajoutée au taux d’actualisation)
  • Durée de vie limitée de l’activité; valeur terminale basée sur une valeur liquidative plutôt qu’une valeur en continuité
  • Remarque: les PME dans lesquelles les dirigeants préparent la transition à la génération suivante valent bien plus que celles dans lesquelles cette transition n’est pas planifiée

 

5. La diversification limitée et autres risques


La dépendance d'un seul produit et/ou la nature des activités sont des éléments essentiels dans la détermination de la valeur de l'entreprise. Comment intégrer, dans la valeur de l’entreprise, le risque lié à la non-diversification ainsi que d’autres risques spécifiques?

Certaines théories ont été développées (ex. le « total beta » d’A. Damodaran) mais la plupart des praticiens utilisent un modèle  empirique consistant à ajouter au taux d’actualisation une prime de risque spécifique (« small firm premium »), intégrant tout ou partie des risques mentionnés supra.

Même si les principes sont fondamentalement les mêmes, l'évaluation des PME est beaucoup plus difficile et technique que celle des grandes entreprises et sociétés cotées. Cependant, le temps et l'argent consacrés sont souvent inversement proportionnels au niveau de difficulté de la mission.

Les auteurs qui font autorité en matière d’évaluation accordent peu d’attention aux PME (absence de littérature exhaustive et récente).

Les méthodes des multiples boursiers sont à utiliser avec prudence pour l’évaluation des PME; il est en effet difficile d’intégrer dans un multiple - ou une décote - l’ensemble des caractéristiques de ces entreprises (a fortiori celles qui affectent leur valeur).

Au-delà des spécificités des PME, le contexte de l’évaluation doit être pris en considération. Par exemple, l’évaluation d’une PME dans un contexte de vente à une société cotée en bourse (ou IPO) peut suivre un processus plus conventionnel. Les ajustements de valeur inhérents aux PME peuvent alors être partiellement, voire totalement, ignorés.

Pour plus de détails, il est renvoyé vers la présentation donnée lors de la journée d'études organisée par l'IRE le 23 octobre 2014 sur les récentes méthodes d'évaluation.

Source : Les challenges de l’évaluation des PME, présentation d’Alexandre Streel, Réviseur d’entreprises, lors de la journée d’études organisée par l’IRE