8 décembre 2010

 
Faut-il supprimer l’audit dans les PME? Est-il normal qu’une entreprise nomme et rémunère son propre contrôleur? Faut-il interdire à un cabinet d’audit de rester en place au-delà d’une certaine période? Autant de questions (38 au total) posées par la Commission européenne dans son livre vert et qui secouent la profession d’audit.

L’Institut des Réviseurs d’Entreprises (IRE) a préparé ses réponses après consultation de tous les membres de la profession en Belgique qui ont été invités à fournir leur contribution par courrier ou oralement lors de réunions. Ces réponses ont été adoptées, à l’unanimité, ce vendredi 3 décembre, lors du Conseil de l’IRE (14 membres dont 6 appartenant aux Big Four et 8 provenant de cabinets de petite ou moyenne taille).

La profession d’audit consciente de son rôle d’intérêt général

La profession d’audit belge est consciente de son rôle d’intérêt public et partage l’objectif général de la Commission européenne de clarifier le rôle de l’auditeur. La profession est favorable à exercer un rôle plus important, par exemple en matière d’information prospective, en fonction de l’attente des utilisateurs des états financiers et des parties prenantes, à condition de développer des cadres référentiels clairs et précis (quelles informations prospectives ? sur quelle durée ?) ainsi que de disposer d’une limitation de la responsabilité des auditeurs au niveau européen (à l’instar de celle déjà en vigueur en Belgique).

La crise financière n’est pas due à un manquement dans l’exercice de l’audit

L’Institut des Réviseurs d’Entreprises est disposé à contribuer aux efforts visant à augmenter la transparence financière et la qualité de l’audit. Toutefois, la profession ne partage pas l’approche générale du Livre vert qui isole le rôle de l’auditeur externe. Ce dernier n’est qu’un maillon dans la chaîne d’information financière, où les premiers rôles reviennent au management des entreprises et à leur conseil d’administration. Par ailleurs, en Europe et en Belgique, aucune indication ne porte à croire que des manquements dans l’exercice de l’audit ou dans les rapports d’audit, ou encore un non-respect des règles d’indépendance seraient à l’origine ou auraient contribué à la crise financière.

Nommer et rémunérer son propre contrôleur

L’Institut des Réviseurs d’Entreprises rappelle que de nombreuses exigences légales ont été adoptées depuis plusieurs années, en tenant compte du contexte européen et international, afin de répondre au souci de sauvegarder l’indépendance de l’auditeur, nonobstant sa nomination et sa rémunération par l’entité auditée. Ainsi par exemple, le conseil d’entreprise dispose d’un droit de véto sur la proposition faite par l’organe de gestion à l’assemblée générale.

Par ailleurs l’application de ces règles d’indépendance est déjà contrôlée par des organes extérieurs à la profession (Chambre de renvoi et de mise en état et instances disciplinaires) qui ont prouvé ces deux dernières années que leur fonctionnement était efficace.

L’audit pour les PME

L'Institut des Réviseurs d'Entreprises constate qu’il existe en Belgique un consensus, associant en premier lieu les organisations représentatives des PME, pour ne pas réduire l'audit des PME. En effet, la valeur ajoutée des auditeurs au sein des PME est parfois plus importante qu'au sein de plus grandes sociétés, notamment en termes de surveillance de la continuité d'exploitation. Dans les PME, l’auditeur constitue du reste un interlocuteur que les dirigeants aiment à consulter.

L'Institut considère que la bonne gouvernance d'entreprise, en ce compris un contrôle efficace de l'information financière par un expert indépendant, ne doit pas être une exigence exclusive des grandes sociétés. En effet, pourquoi seule les grandes sociétés devraient bénéficier de l'effet positif d'une bonne gouvernance, et donc d'une meilleure qualité de l'information financière, et, de là, d’un coût du capital réduit?

Enfin, n’oublions pas que la crise du sub-prime aux Etats-Unis s’est aussi développée au sein de petites institutions aux comptes non audités.

La rotation des cabinets d'audit

L'Institut des Réviseurs d'Entreprises n'est pas en faveur d'une rotation externe des cabinets d'audit, au sens d’une obligation générale de changer de cabinet après une certaine période.

La littérature scientifique démontre les inconvénients d'une telle mesure : diminution de la qualité de l’audit, augmentation du coût de l’audit sans valeur ajoutée liée à cette obligation éventuelle de la rotation externe, etc. Par ailleurs, la rotation « interne » (c’est-à-dire du réviseur personne physique responsable au sein du cabinet), mise en place dans les sociétés cotées, les banques et les assurances à la suite de la directive européenne de 2006, est amplement suffisante pour gérer les éventuels effets non souhaitables d’un maintien du même cabinet sur une longue période.

Quelques vérités à ne pas oublier

Dans ses réponses au Livre vert, l’IRE souhaite aussi rappeler quelques éléments parfois oubliés. Notamment que le « zéro risque » pour l’actionnaire et les autres parties intéressées n’existera jamais ! Et que si l’on veut développer l’audit dans de nouvelles directions, il faut accepter d’en payer le prix. Et du reste, si l’on veut maintenir la qualité de l’audit, il faut arrêter de vouloir en détruire la base économique par des honoraires en baisse.

Vous trouverez les commentaires de l’Institut des Réviseurs d’ Entreprises sur le Livre vert de la Commission européenne en français et en anglais en cliquant sur la langue de votre choix.