10 octobre 2024
Johan Christiaens (professeur au département Accountancy, Bedrijfsfinanciering en Fiscaliteit UGent, réviseur d'entreprises honoraire) et Justine Vandenbroucke (Master Bestuurskunde en Publiek Management UGent)
Les grandes ASBL tiennent une comptabilité en partie double et soumettent leurs comptes annuels par voie électronique à la Centrale des bilans. Les quelque 100 000 très petites ASBL tiennent une comptabilité simplifiée et leurs comptes annuels sont encore déposés sur papier au greffe du Tribunal de l’entreprise. Il y a dix ans, il a été démontré que de très nombreuses ASBL n'étaient pas scrupuleuses dans la publication papier de leurs comptes annuels et qu’elles respectaient à peine les règles prévues par la loi, ce qui menait à des comptes annuels de mauvaise qualité. Cette étude de terrain réalisée par l'Université de Gand a été reconduite en 2024 (Prof. J. CHRISTIAENS et J. VANDENBROUCKE) afin d'évaluer dans quelle mesure les comptes annuels déposés se sont améliorés. Il apparaît qu'après dix ans, les points problématiques, tant en ce qui concerne le dépôt des comptes annuels que leur contenu, n'ont pratiquement pas changé.
Les très petites ASBL (ASBL ne comptant pas plus de 5 ETP, 391 000 € de recettes non récurrentes et 1 562 000 € d'actifs et de passifs) tiennent au moins une comptabilité simplifiée et déposent leurs comptes annuels sur papier auprès du greffe du Tribunal de l’entreprise.
L'enquête sur le terrain a porté sur un total de 400 ASBL dans 8 greffes répartis dans les régions flamande et wallonne. L'enquête précédente de 2014 portait sur 353 ASBL dans 6 greffes flamands et wallons. Comme dans l'enquête précédente, on peut distinguer quatre groupes de très petites ASBL :
Le tableau ci-dessous compare les résultats actuels et ceux d'il y a 10 ans pour chaque groupe.
Groupes | 2014 | 2024 |
Comptes annuels modèle simplifié | 35% | 40% |
Pas de comptes annuels | 18% | 33% |
Comptes annuels modèle complet | 16% | 3% |
ASBL "dormante" | 31% | 24% |
Total | 100% | 100% |
Les ASBL « dormantes » sont celles qui continuent d'exister légalement mais qui n'ont plus d'organe d’administration opérationnel et/ou qui ne développent plus d'activités. Leur nombre a diminué au cours de la dernière décennie, mais il est toujours alarmant de constater que près d'une très petite ASBL sur quatre ne contacte plus le greffe du Tribunal de l’entreprise ou ne dépose plus ses comptes annuels. Aucun document de dissolution n'a été déposé au greffe, de sorte que les administrateurs statutaires sont toujours responsables.
Le deuxième groupe d'ASBL actives enregistre une forte augmentation : une sur trois ne dépose pas ses comptes annuels auprès du greffe du Tribunal de l’entreprise, alors qu'elle est légalement tenue de le faire chaque année. Cette catégorie diffère de celle des ASBL « dormantes » car ces ASBL déposent encore des modifications statutaires, contrairement au groupe des ASBL « dormantes ».
Les groupes 2 et 4 représentent ensemble 57% des organisations interrogées, ce qui signifie que plus de la moitié des très petites ASBL ne respectent pas la législation sur l’obligation de publication.
L'enquête a été menée dans les greffes d'Audenarde, de Gand, de Termonde, de Bruges, de Courtrai, d'Ostende, de Tournai et de Nivelles. Conformément à la législation, la consultation des comptes annuels dans ces Tribunaux de l'entreprise est publique. Même après 10 ans, il est frappant de constater qu'il n'existe pas de réglementation unifiée concernant les procédures d'accès aux dossiers. Par exemple, certains greffes étaient beaucoup plus accessibles et serviables que d'autres. Le manque de coopération des greffes concernant l'accessibilité des comptes annuels suscite également des questions. En outre, il est apparu que plusieurs greffes ne prévoyaient pas de procédure immédiate pour les ASBL qui n'avaient pas pris contact avec le tribunal pendant une longue période.
Une évolution frappante est observée dans le groupe n°3, à savoir une baisse de 16 % à 3 % des ASBL qui tiennent volontairement une comptabilité en partie double et déposent des comptes annuels selon le modèle des grandes ASBL sur papier.
L'une des raisons possibles expliquant cette forte baisse réside dans le fait que les conseils d'administration de ces ASBL ne sont plus disposés à effectuer autant de travail supplémentaire (inutile) lié à la réalisation du modèle complet des comptes annuels.
Le constat est clair : de nombreuses très petites ASBL continuent de faire fi de la législation, sans qu'aucune amélioration n'ait été constatée au cours des dix dernières années. Celles qui déposent tout de même leurs comptes annuels les préparent encore souvent de manière incomplète ou incorrecte. En matière de contenu, le respect des dispositions légales est assez faible. Les problèmes sont principalement liés à la qualité et à l'exhaustivité. Par exemple, l'état des actifs n'est rempli que par 43% des ASBL, l'affichage des « droits et obligations » associés et des règles d'évaluation laissant à désirer.
Il n'y a pas de relation entre la mesure dans laquelle la très petite ASBL bénéficie de subventions et de dons et la qualité de ses comptes annuels (la théorie de la dépendance à l'égard des ressources joue en revanche un rôle pour les grandes ASBL). En d'autres termes, la très petite ASBL qui reçoit davantage de subventions n'obtient pas de meilleurs résultats en termes de qualité des comptes annuels. Comme pour les subventions, la taille du conseil d'administration ne semble pas jouer un rôle significatif.
Une question primordiale est de savoir dans quelle mesure l'obligation de dépôt par voie électronique des comptes annuels des très petites ASBL peut résoudre les problèmes décrits ci-dessus.
En outre, bien que la loi prévoie déjà le dépôt par voie électronique, aucun logiciel approprié n'a encore été développé.
Il est évident que, grâce à un environnement informatisé, les comptes annuels et leur dépôt peuvent être systématiquement améliorés pour les très petites ASBL par rapport à la méthode de travail actuelle basée sur le papier. Les possibilités de consultation se multiplieront sans aucun doute, ce qui constitue une autre incitation importante à l'amélioration de la qualité. Il va de soi que les activités de contrôle nécessaires devront être intégrées.
De cette manière, des comptes annuels utiles et facilement consultables peuvent être mis à disposition, ce qui, en fin de compte, est la raison d'être des comptes annuels.