1 octobre 2021

Erwin Vanderstappen, juriste d’entreprise

 

Depuis 2014, les normes internationales d'audit (normes ISA) sont applicables en Belgique au contrôle légal des comptes de toutes les entités. Le commissaire qui effectue un contrôle conformément aux normes ISA est chargé d'obtenir une assurance raisonnable que les états financiers pris dans leur ensemble, ne comportent pas d’anomalies significatives, que celles-ci proviennent de fraudes ou résultent d'erreurs.

Une assurance raisonnable est un niveau d'assurance élevé. Elle est obtenue lorsque le commissaire a recueilli des éléments probants suffisants et appropriés pour réduire le risque d'audit (c'est-à-dire le risque que l'auditeur exprime une opinion inappropriée alors que les états financiers comportent des anomalies significatives) à un niveau suffisamment faible pour être acceptable.

Le commissaire effectue ses contrôles par sondage, en fonction de son évaluation des systèmes comptables et de contrôle interne de l'entreprise. La mission de contrôle du commissaire vis-à-vis de la société n’est qu’une obligation de moyens : en raison des limites inhérentes à un contrôle, il existe un risque inévitable que certaines anomalies significatives dans les états financiers ne soient pas détectées, même si l'audit est correctement planifié et réalisé conformément aux normes ISA. En raison de ces limitations, la plupart des éléments probants sur la base desquels le commissaire tire des conclusions et fonde son opinion, conduisent davantage à des présomptions qu’à des certitudes.

En général, les anomalies, y compris les omissions, sont considérées comme étant significatives si, individuellement ou en cumul, on pourrait raisonnablement s'attendre à ce qu'elles influent sur les décisions économiques des utilisateurs prises sur la base des états financiers. Le jugement du commissaire sur le caractère significatif est exercé à la lumière des circonstances et est affecté par sa perception des besoins en matière d'informations financières des utilisateurs des états financiers, ainsi que par l'ampleur ou la nature de l'anomalie, ou par la combinaison des deux. L'opinion du commissaire porte sur les états financiers pris dans leur ensemble et, en conséquence, il n'est pas tenu de détecter des anomalies qui ne sont pas significatives au regard des états financiers pris dans leur ensemble.

La sixième chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Gand, dans son arrêt 2017/NT/260 du 15 octobre 2018 s'est prononcée sur la question de savoir à quel moment le réviseur d'entreprises est coupable de falsification de comptes annuels, soit en tant qu'auteur, soit en tant que complice en droit pénal. Elle a également examiné si le rapport du commissaire pouvait être considéré comme un acte de participation du commissaire à la préparation des états financiers prétendument faux. La Cour d'appel a jugé qu'il n'y avait pas de complicité en droit pénal dans cette affaire.

Dans son appréciation, la Cour d'appel a souligné à juste titre l'importance du fait que le commissaire effectuait en l'espèce un audit financier et non un audit « forensic » : les tâches, l'objet de la mission, les méthodes de contrôle à utiliser et les preuves à recueillir dans le cadre de l'audit légal sont clairement différents de ceux d'un audit forensic.

Selon la Cour d'appel, un contrôle est inévitablement soumis à des risques d'appréciation et ne peut jamais garantir la détection de tout type d'erreur ou d'acte frauduleux ou malhonnête commis par le personnel ou la direction de l'entreprise. La Cour confirme ainsi la thèse généralement admise selon laquelle le commissaire, dans l'exercice de sa mission de contrôle, est tenu à une obligation de moyen et non à une obligation de résultat de détecter effectivement toute fraude.

Le commissaire doit cependant être attentif à la fraude, notamment lorsqu'il vérifie le respect de la législation comptable et en matière de  comptes annuels. Si la fraude a pour conséquence que les comptes ne donnent plus une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats de l’entreprise, ou si la fraude peut être considérée comme une incertitude significative qui peut jeter un doute important sur la capacité de l’entreprise à poursuivre son exploitation, il doit le mentionner dans son rapport de commissaire (art. 3:75, § 1er, 4° et 7° CSA (comptes annuels) ; art. 3:80, § 1er, 3° et 6° CSA (comptes consolidés)).

Pour plus d'informations sur ce sujet très intéressant, vous pouvez consulter la récente contribution de K. Reniers, "De inspanningsverbinis van de commissaris bij het opsporing van fraude tijdens de controle op de jaarrekening, nota onder Gent (6e k.) 15 oktober 2018", RW 2020-21, n° 42, 19 juin 2021, 1672-1677.