25 juillet 2024

En 2014, l’Union européenne a pris des mesures restrictives à l’encontre de la Russie en réponse à l’annexion illégale de la Crimée. Depuis l’invasion de la Russie en Ukraine (et l’annexion illégale de quatre régions ukrainiennes) en 2022, l’UE a systématiquement renforcé ces mesures par des « trains de sanctions » successifs. Le 24 juin 2024, le quatorzième train de sanctions a été adopté.

Nous avons déjà attiré l’attention sur les sanctions de l’UE contre la Russie car elles peuvent également avoir des conséquences pour la profession. Avec cette communication supplémentaire, nous demandons à nos confrères d’être particulièrement vigilants à l’égard de deux mesures de sanctions qui ont été encore renforcées au cours de la période précédente.

1. Mesures de gel - Extension de la liste des sanctions

L’une des sanctions contre la Russie concerne l’interdiction de faire des affaires avec des personnes et des entités, y compris les parties liées, qui figurent sur la liste des sanctions de l’UE. La liste des sanctions de l'UE avec les noms et les informations d'identification des personnes et entités sanctionnées est incluse en annexe 1 du Règlement (UE) n° 269/2014 du 17 mars 2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine. Afin de maintenir une vue d'ensemble, l'Administration générale de la Trésorerie (au sein du SPF Finances) tient à jour une liste consolidée de toutes les personnes et entités soumises à des mesures de gel (donc pas seulement en raison des mesures de sanctions de l'UE contre la Russie).

Leurs fonds et ressources économiques dans l’UE sont gelés et il est également interdit de mettre à disposition des fonds ou des ressources économiques à ces personnes et entités. Pour les réviseurs d’entreprises, cette sanction financière implique qu’ils doivent « geler » tous les services aux personnes ou entités (y compris les parties liées) sanctionnées, ce qui en pratique revient à « suspendre » la prestation de services.

Cette interdiction existe depuis plus de dix ans (depuis 2014), mais son impact s’accroît chaque jour car la liste des sanctions de l’UE est constamment mise à jour. Cette liste compte désormais plus de 2.000 personnes et entités. Les confrères doivent par conséquent consulter régulièrement la liste des sanctions de l’UE, dans le cadre de l’acceptation et de la continuation des relations avec les clients.

2. Interdiction totale des services d’audit - Fin de l’exception à partir du 1er octobre 2024

En plus de l’interdiction mentionnée ci-dessus, une interdiction de fournir des services professionnels - y compris des services d’audit - à des personnes morales et des entités russes a été introduite le 3 juin 2022 (dans le cadre du 6ème train de sanctions). L’interdiction est prévue à l’article 5quindecies, paragraphe 1, du Règlement (UE) n° 833/2014 du Conseil du 31 juillet 2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine et se lit comme suit : 

« Il est interdit de fournir, directement ou indirectement, des services de comptabilité, de contrôle des comptes, y compris de contrôle légal des comptes, de tenue de livres ou de conseils fiscaux, ou des services de conseil en matière d’entreprise et de gestion ou des services de relations publiques:

a) au gouvernement russe; ou

b) à des personnes morales, des entités ou des organismes établis en Russie ».

Lors de l’introduction de cette interdiction, une exception importante a également été prévue. Cela permet de continuer à fournir des services professionnels aux filiales russes qui font partie d’un groupe dont le siège social est situé dans l’Union européenne. Initialement, cette exception était valable pour une durée indéterminée, mais elle a depuis été limitée dans le temps “jusqu’au 30 septembre 2024”.

Cette exception expire donc le 1er octobre 2024, ce qui signifie que l’interdiction mentionnée ci-dessus de fournir des services professionnels s’applique pleinement à partir de cette date. En principe, à partir du 1er octobre prochain, aucun service d’audit ne pourra être fourni depuis l’UE à des entités établies en Russie, même s’il s’agit de filiales dont la société mère est établie dans l’UE. L’interdiction concerne non seulement la fourniture de services ‘directs’, mais aussi la fourniture de services ‘indirects’ à des entités établies en Russie. L’idée sous-jacente est que ‘la Russie’ (au sens large du terme) ne doit en aucun cas bénéficier de l’expertise des réviseurs d’entreprises et d’autres consultants de l’UE.

Les réviseurs d'entreprises qui fournissent des services à un groupe belge avec une filiale russe doivent être conscients que leurs travaux peuvent également profiter à cette filiale, ce qui pourrait constituer une prestation de services 'indirecte' interdite. Il est donc conseillé d'entretenir toute communication avec la filiale russe avec une certaine prudence, y compris lors de l'envoi d'instructions spécifiques à l'auditeur local russe dans le cadre d'un audit de groupe. Les services à une filiale belge d'un groupe russe sont en principe autorisés, mais ils sont interdits si ces services bénéficient effectivement à la société mère russe.

Pour les structures de groupe de l'UE avec des filiales russes, il peut être nécessaire, dans certaines situations, de réaliser des services tels que des travaux de contrôle concernant les activités russes, malgré l'interdiction. Dans ce cas, une autorisation explicite doit être demandée aux autorités compétentes pour pouvoir fournir ces services. Pour la Belgique, l'autorité compétente est le SPF Économie. Une demande motivée de dérogation à l'interdiction peut être envoyée à l'adresse e-mail suivante : be-ecosanctions@economie.fgov.be. Chaque demande sera examinée au cas par cas.

En conclusion

La situation reste incertaine et évolue rapidement. Les directives générales ne couvrent évidemment jamais les cas individuels. Compte tenu de la complexité et de la nature spécifique de certains dossiers, nous vous conseillons, si cela s’avère nécessaire dans ce contexte, de solliciter un avis juridique sur une base ad hoc.