8 avril 2025
Le présent avis a pour objet de compléter l’avis 2019/10 du 9 avril 2019 concernant l’interruption du mandat de commissaire, en apportant des précisions relatives aux sociétés en difficulté.
La question se pose quant à l'attitude à adopter par le commissaire lorsque la société sous son contrôle rencontre des difficultés financières, aboutissant au non-paiement de ses honoraires.
L’article 16, §1er de la loi du 7 décembre 2016 portant organisation de la profession et de la supervision publique des réviseurs d'entreprises prévoit que « le réviseur d'entreprises ne peut pas détenir un intérêt financier dans l'entité pour laquelle il exécute une mission révisorale ».
Le non-paiement des honoraires du commissaire peut soulever des problèmes d'indépendance pour celui-ci.
Il convient de distinguer la situation dans laquelle la société contrôlée par un commissaire ne peut pas payer les honoraires de celui-ci de la situation dans laquelle il y a une cessation de paiement des honoraires, mais qu’un plan de remboursement clair est convenu dans le cadre d’une procédure en réorganisation judiciaire.
Dans cette situation, il convient de faire référence à l’article 16,§1er précité.
Lorsque le paiement des honoraires dus au commissaire prend un retard important, le montant des honoraires impayés peut apparaître comme l'équivalent d'un prêt, ce qui peut entraîner une menace liée à l'intérêt personnel pesant sur l'indépendance du commissaire.
Il parait utile à cet égard de rappeler le Code IESBA, en particulier le point R410.13 :
« When a significant part of the fees due from an audit client remains unpaid for a long time, the firm shall determine:
a) Whether the overdue fees might be equivalent to a loan to the client, in which case the requirements and application material set out in section 511 are applicable; and
b) Whether it is appropriate for the firm to be re-appointed or continue the audit engagement. »
Le paragraphe A74 de la Norme ISQM prévoit également : “Il peut aussi arriver que les honoraires prévus pour une mission ne soient pas suffisants compte tenu de la nature et des circonstances de cette mission, et que cela réduise la capacité du cabinet de réaliser la mission conformément aux normes professionnelles et aux exigences législatives ou réglementaires applicables. Le Code de l’IESBA traite des honoraires et des autres types de rémunération, ainsi que des circonstances susceptibles de créer une menace pour la conformité au principe fondamental de compétence professionnelle et de conscience professionnelle si les honoraires prévus pour une mission sont trop bas.”
Le Code éthique de l’IESBA auquel la norme ISA 200, Objectifs généraux de l’auditeur indépendant et conduite d’un audit selon les normes internationales d’audit1 et la norme ISQM12 font référence, peut servir de guidance. Toutefois, ce code n’est pas obligatoirement applicable en Belgique3.
Il peut néanmoins être déduit des recommandations ci-dessus que le non-paiement des honoraires peut avoir un impact sérieux sur l’indépendance du commissaire.
Dans ce contexte, deux situations peuvent être distinguées :
Conformément aux paragraphes 34(a) et A117 de la Norme ISQM1, cette situation peut être considérée comme un risque pesant sur la conformité aux règles d’éthique pertinentes. Il est recommandé que les cabinets établissent des politiques ou des procédures pour y remédier.
Lorsqu’une société contrôlée est en difficulté et qu’elle a introduit une procédure en réorganisation judiciaire à l’issue de laquelle un plan de remboursement est homologué par le tribunal de l’entreprise avec accord des créanciers, ceux-ci sont liés par le plan de réorganisation judiciaire. Ni la société contrôlée ni les créanciers ne peuvent modifier ce plan, une fois homologué.
Ce plan peut prévoir un étalement du paiement des honoraires du commissaire et/ou une réduction de ceux-ci. Si tel est le cas, ni la société contrôlée ni le commissaire ne peuvent modifier ce plan.
L’existence d’un plan de remboursement clair homologué par le tribunal de l’entreprise avec accord des créanciers pourrait permettre au commissaire de continuer ses travaux de contrôle.
Cependant, l’étalement du paiement des honoraires et/ou la réduction des honoraires dus peut avoir des conséquences variables, notamment en fonction de la taille et de la situation financière du commissaire (réviseur d’entreprise ou cabinet de révision).
Par conséquent, il est recommandé que le commissaire procède à une analyse en interne de l’impact que le plan de remboursement homologué peut avoir quant à son indépendance.
À nouveau, cette situation peut être considérée comme un risque pesant sur la conformité aux règles d’éthique pertinentes. Il est recommandé que le cabinet établisse des politiques ou des procédures pour y remédier, conformément aux paragraphes 34(a) et A117 de la Norme ISQM1.
Si, à la suite de cette analyse, il s’avère que le risque est trop important pour le commissaire, celui-ci peut donner sa démission lors d’une assemblée générale (au besoin, une assemblée générale extraordinaire), après avoir fait rapport écrit sur les raisons de sa démission, conformément à ce qui est prévu dans l’avis 2019/10 précité.
Le Conseil de l’Institut souhaite rappeler que la mission de contrôle des comptes annuels effectuée par le commissaire est étroitement liée à l’intérêt général. Dans ce contexte, la continuité du contrôle est un élément qui doit également être pris en compte par le commissaire dans le cadre de son analyse en interne lorsqu’il se trouve dans l’une des deux situations évoquées ci-dessus.
Le Conseil de l’Institut souhaite également rappeler l’article 3:59 du Code des sociétés et des associations qui permet au président du tribunal de l’entreprise, siégeant comme en référé, de nommer un réviseur d’entreprises chargé d’exercer les fonctions de commissaire jusqu’à ce qu’il ait été pourvu régulièrement à sa nomination ou à son remplacement, lorsqu’une société n’a pas de commissaire ou lorsque tous les commissaires se trouvent dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions. C’est le président du tribunal de l’entreprise qui fixe, dans ce cas, les honoraires du commissaire.
Dans ce contexte, il est renvoyé aux paragraphes 34, (d), (ii) et A123, de la norme ISQM1 qui prévoit la mise en place de politiques ou de procédures lorsque le cabinet est tenu, en vertu de la loi ou de la réglementation, d’accepter une relation client ou une mission spécifique.
1 Cf. Tableau des normes internationales applicables en Belgique.
2 Voir en particulier les paragraphes 30, (b) et A74, cf. Norme ISQC 1 / Norme ISQM.
3 Cf. Avis 2021-05 (ibr-ire.be), p.2.
4 Conformément à cet avis, un conflit sur les honoraires ne constitue pas un motif personnel grave, permettant au commissaire d’interrompre sa mission en cours de mandat.