13 novembre 2023

Fernand Maillard, réviseur d'entreprises

 

La deuxième édition du Moniteur belge du 23 octobre 2023 (pp 98835 à 98858) a publié une intéressante circulaire du ministre de la Justice relative à la publicité des actes et documents des sociétés, des associations et des fondations. Tout en annulant deux (anciennes) circulaires relatives au même sujet et dont l’application a fini par soulever nombre de problèmes pratiques et d’interprétations, cette nouvelle circulaire remet entre autres à plat les modalités de publicité des actes et le rôle des greffes des tribunaux de l’entreprise. Espérons que cette fois, d’Arlon à Ostende, tout le monde en aura la même lecture et que l’on en terminera avec les discussions d’interprétations variables d’un coin à l’autre de notre beau Royaume.

La lecture de cette circulaire peut paraître fastidieuse (24 pages du Moniteur) mais est intéressante et a l’avantage de résumer la situation et de rappeler aux différents intervenants les responsabilités qui leur incombent. 

La circulaire ne concerne que les dépôts « papier » et non les dépôts électroniques via eGreffe et eDepot quand ils sont possibles.

Pour rappel, les règles de base des actes et documents trouvent leur naissance dans le CSA (Code des sociétés et des associations) ainsi que dans le livre 1er de l’AR CSA (arrêté royal portant application du CSA) du 29 avril 2019.

La circulaire rappelle tout d’abord la forme exigée (acte authentique, acte sous signature privée) de l’acte constitutif ainsi que des actes modificatifs. Pour mémoire, les sociétés, les ASBL et les fondations privées acquièrent la personnalité juridique à partir du jour où sont déposés au greffe l’acte constitutif, l’extrait de l’acte constitutif et les actes relatifs à la nomination des administrateurs, et, le cas échéant, des personnes habilitées à représenter la personne morale. En revanche, les AISBL et les fondations d’utilité publique acquièrent la personnalité juridique à la date de l’arrêté royal de reconnaissance.  

La Banque-Carrefour des Entreprises utilise sa propre terminologie et mentionne la date à laquelle le greffe inscrit effectivement la personne morale dans le registre des personnes morales (date à valeur indicative et donc sans effet juridique) ; la date de début d’activité est par contre la date à partir de laquelle la personne morale enregistrée doit être reprise dans le registre des personnes morales.

La circulaire rappelle la nature du contrôle exercé par les greffes lors du dépôt d’un acte :

  • vérifier que la pièce déposée doit faire l’objet d’un dépôt prescrit par la loi ;
  • vérifier que les bons formulaires ont bien été utilisés et correctement complétés ;
  • s’assurer que le mode de paiement a bien été respecté ;
  • vérifier que les mentions destinées à la Banque-Carrefour des Entreprises ont été correctement indiquées.

En principe, il s’agit d’un contrôle purement formel. Ni le CSA, ni l’AR CSA ne confient au greffe la mission de contrôler le fond des actes. Le greffe peut cependant attirer l’attention de la société, de l’association, de la fondation ou du groupement sur d’éventuelles inexactitudes, mais ne peut refuser le dépôt si toutes les conditions formelles ont été respectées.

Si des conditions de fond de la loi n’ont pas été respectées, elles relèvent de la responsabilité de leur auteur. Le greffe ne s’est pas vu attribuer une compétence d’examen de fond des actes qui lui sont soumis.

Cela n’empêche pas le fonctionnaire du greffe, si dans l’exercice de ses fonctions il acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, d’être tenu d’en aviser sur-le-champ le procureur du Roi et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Dans le cadre de la vérification des mentions destinées à la BCE, le greffe doit contrôler l’identité des fonctions dirigeantes, ainsi que l’identité du déposant. La circulaire en explique les modalités.

Il en sera de même pour le contrôle de l’adresse du siège dans le registre d’adresses BeST Address (Belgian Streets and Addresses). Depuis le 1er août 2023, les greffiers doivent également vérifier l'existence d'une interdiction de gérer belge dans le Registre central des interdictions de gérer (JustBan) via un « service web ».

Le greffe est aussi chargé d’un contrôle du registre central des clignotants économiques à la suite d’un changement d’adresse d’une SNC, Scom ou SRL en lien avec le greffe compétent de la chambre des entreprises en difficulté.   

La circulaire reprend la liste des pièces à déposer au greffe et à publier au Moniteur belge par type de personne morale. On peut rappeler que les actes et indications ne sont opposables aux tiers qu'à partir du jour du dépôt ou lorsque la publication en est prescrite, à partir du jour de leur publication par extrait ou, pour les sociétés, par mention aux Annexes du Moniteur belge.

Les règles en matière d’emploi des langues sont aussi rappelées. Pour mémoire :

  • en Région flamande (y compris dans toutes les communes à facilités), les actes de société doivent être établis en langue néerlandaise ;
  • en Région wallonne (y compris dans toutes les communes à facilités, hormis les communes faisant partie de la Communauté germanophone), les actes de société doivent être établis en langue française ;
  • en Région bruxelloise, les actes de société doivent être établis au choix en langue néerlandaise et/ou en langue française ;
  • dans les communes faisant partie de la Communauté germanophone, les actes de société doivent être établis en langue allemande.

Le CSA autorise que les documents, ainsi que les comptes annuels et autres documents pour lesquels le même Code prévoit un dépôt auprès de la Banque nationale de Belgique, soient traduits et déposés, sous forme électronique ou non, dans une ou plusieurs langues officielles de l'Union européenne (article 2:33, alinéa 2, CSA).

Toutefois, en cas de discordance entre les documents dans la langue de la région linguistique et la traduction rendue publique précitée, cette dernière n'est pas opposable aux tiers. Ceux-ci peuvent néanmoins se prévaloir de ladite traduction, sauf si la personne morale prouve que les tiers avaient connaissance de la version rédigée ou traduite dans la langue ou dans une des langues officielles de la région linguistique où le siège de la personne morale est établi.

Lorsqu'une société souhaite procéder ou doit procéder à une publication dans une deuxième langue nationale, elle devra utiliser deux formulaires I de publication. Le premier formulaire I contiendra dans son volet B le texte dans une langue et le deuxième formulaire I contiendra dans son volet B le texte à publier dans l'autre langue.

En ce qui concerne la langue des formulaires, ceux-ci sont toujours liés à la langue de la région linguistique où est établi le siège du tribunal et où la personne morale a son siège.

Le greffier ne peut ainsi refuser aucun dépôt d'actes dans d'autres langues pour autant qu'ils satisfassent aux dispositions précitées. Par ailleurs, il ne peut pas non plus les refuser s'il remarque qu'une des langues requises fait défaut. En pareil cas, la législation linguistique prévoit la nullité de la pièce.

Les documents doivent être signés par la ou les personne(s) ayant le pouvoir de représenter la personne morale (organes) ou, le cas échéant, par le notaire instrumentant (article 1:9, § 2, alinéa 2, 6°, AR CSA). Il n’est en outre pas inutile de rappeler que le CSA prévoit que les copies des procès-verbaux à délivrer aux tiers sont signées par un ou plusieurs administrateurs ayant le pouvoir de représentation.

Le volet B du formulaire I doit également être signé mais uniquement au verso afin que la signature ne se retrouve pas sur le document publié et ne puisse ainsi être utilisée frauduleusement : si la signature figure au recto, le greffe refuse le dépôt. 

Pour les documents déposés en version papier, la signature manuscrite originale est la seule possible, la signature électronique ne peut être utilisée que pour les documents qui peuvent être déposés par voie électronique.

Ainsi, les documents signés électroniquement peuvent être déposés via JustAct ou eDepot. En ce sens, un document signé électroniquement qui est déposé par voie électronique produit les mêmes effets juridiques qu'un document signé de façon manuscrite qui est déposé sur papier au greffe du tribunal de l'entreprise.

Lorsqu'un document électronique est imprimé, il ne peut être qu'une copie, la signature électronique (certifiée) perdant en principe sa fonction d'identification dès que le document signé électroniquement est imprimé, en raison du fait que la fiabilité technique du document électronique est perdue.

La circulaire rappelle ensuite les conditions techniques du dépôt papier (art. 1:9, § 2, de l'AR CSA), ainsi que le nombre d’exemplaires à déposer. Une même publication peut reprendre plusieurs décisions, ainsi que les modalités de paiement, et des mentions à la BCE doivent dans certains cas être aussi réalisées via le formulaire II que le greffe doit transmettre à la BCE sous les 2 jours ouvrables suivant leur dépôt au greffe.

On trouvera ensuite quelques cas particuliers et utilisation des formulaires, entre autres : changement de siège, les mandats, administrateur délégué (notion non définie par le CSA), les élections de domicile, le dépôt des comptes annuels simplifiés, la publication de la première version ou de la version coordonnée des statuts découlant d'un acte par un notaire établi en Belgique, le transfert du dossier en cas de liquidation, les sociétés, associations et fondations étrangères, les ONG, les formalités de dépôt et de publicité des structures de coopération intercommunales diffèrent d'une entité fédérée à l'autre, les formalités de dépôt et de publicité des AISBL et FUP, l'agrément d'une ASBL comme union professionnelle.

Et, pour terminer, la circulaire donne un tableau récapitulatif bien utile sur l'utilisation des formulaires. Une circulaire bienvenue !

Pour clôturer, rappelons que si le dépôt tardif d’un acte au greffe ou d’une publication tardive au Moniteur Belge peut avoir des conséquences pour une personne morale, par exemple en termes de représentation ou de responsabilité, il n’y a pas de sanction directe sauf la mise en responsabilité de l’organe d’administration ou des administrateurs, ce qui n’est déjà pas négligeable. Publier tardivement la nomination d’un administrateur aura comme conséquence l’impossibilité d’agir valablement pour cet administrateur, mais ne générera pas de sanction financière pour la personne morale. En revanche, l’oubli de respecter le délai d’un mois pour l’adaptation du registre des bénéficiaires effectifs (UBO) est, lui, soumis à de strictes sanctions pénales qui peuvent être appliquées bien plus systématiquement.   

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