27 mai 2021
Erwin Vanderstappen, juriste d'entreprise
Dans le cadre de missions révisorales telles que les apports en nature, les quasi-apports (uniquement dans la SA), les émissions supplémentaires d'actions, les modifications des droits attachés aux classes d'actions, les fusions et scissions, la liquidation et la dissolution des entreprises, les contrôles d'associations et de fondations, etc. les réviseurs d’entreprises sont souvent confrontés aux droits d’usage réels tels que les droits d'usufruit, d'emphytéose, de superficie et les sûretés réelles, y compris les privilèges spéciaux et les gages.
La loi du 4 février 2020 portant le livre 3 « Les biens » du Code civil apporte un certain nombre de modernisations et donne plus de flexibilité.
Compte tenu de la pratique révisorale, il convient de discuter brièvement de ces changements. Une analyse plus détaillée fera l'objet d'un article dans la revue Tax, Audit & Accountancy.
Le nouveau livre 3 contient une structure claire des titres et confirme le principe de base selon lequel il n'existe qu'un nombre limité de droits réels (numerus clausus) : le droit de propriété, la copropriété, les droits d'usage réels (servitude, usufruit, emphytéose, droit de superficie) et les sûretés réelles (privilèges spéciaux, gage, hypothèque, droit de rétention).
En outre, un titre distinct est inséré sur les relations de voisinage (troubles de voisinage, clôture mitoyenne et servitudes). Des critères juridiques détermineront dorénavant à partir de quand une trouble normale de voisinage dégénère en trouble anormale de voisinage. Tous les litiges relatifs aux troubles seront réglés par le juge de paix qui peut également imposer des mesures préventives afin d'éviter des troubles excessives.
Un certain nombre de modernisations ont également été apportées aux droits réels d’usage.
En ce qui concerne l'usufruit, la durée maximale est également fixée à 99 ans pour une personne morale. La coopération entre l'usufruitier et le nu-propriétaire est fixée par la loi en vue d'une répartition proportionnelle des coûts. Si l'usufruit est établi au profit de co-usufruitiers, la part de l'usufruitier survivant passe au co-usufruitier survivant. Si l'usufruit est constitué à l'égard d'une personne morale, la durée de 30 ans est portée à 99 ans et la faillite de la personne morale fait que l'usufruit revient au nu-propriétaire.
En cas d'usufruit sur des instruments financiers auxquels des droits sont attachés à la qualité d'associé, comme le droit de vote à l'assemblée générale, ceux-ci sont exercés conformément au Code des sociétés et des associations (CSA). Les dividendes qui sont distribués sans affecter le capital appartiennent à l'usufruitier. Les produits exceptionnels qui sont inhérents à l'instrument financier, telle la prime accordée lors d'un rachat de ses propres actions, sont perçus par l'usufruitier. Ces produits font partie de son obligation de restitution à la fin de l'usufruit.
Les innovations suivantes sont à noter en ce qui concerne le droit d'emphytéose : l'obligation légale de payer une indemnité périodique (redevance annuelle ou canon) est supprimée et la durée minimale de la convention de 27 ans est réduite à 15 ans. La durée maximale reste de 99 ans. Il existe une exception à la durée maximale, à savoir que le droit d'emphytéose est perpétuel « lorsque et tant qu'il est constitué, par le propriétaire de l'immeuble, à des fins de domanialité publique ».
Pour le droit de superficie, la durée est portée de 50 à 99 ans, sauf s'il est perpétuel : s'il est constitué par le propriétaire du fond à des fins de domanialité publique (cf. emphytéose), ou « pour permettre la division en volumes d'un ensemble immobilier complexe et hétérogène comportant plusieurs volumes susceptibles d'usage autonome et divers qui ne présentent entre eux aucune partie commune ». Il est donc juridiquement possible de combiner deux volumes ayant une finalité différente et pouvant faire l'objet d'une gestion autonome, comme par exemple un centre commercial avec un parking souterrain.
Enfin, la flexibilité vise à abolir le principe selon lequel tout le droit des biens est d'ordre public et constitue désormais donc un droit supplétif. Cela signifie que quiconque le souhaite peut déroger aux dispositions, sauf lorsqu'il s'agit de l'interprétation de définitions ou si la loi en dispose autrement.
Le nouveau livre 3 entrera en vigueur le 1er septembre 2021.