18 novembre 2022
Marc Bihain, secrétaire général de l’IRE
Nous avons récemment reçu de nombreuses questions sur les impacts de l’inflation très élevée sur les travaux d’audit et souhaiterions rappeler les principes suivants au travers de cette brève chronique.
L’augmentation du taux de l’inflation représente un défi tant pour les personnes constituant le gouvernement d'entreprise et la direction des entités contrôlées que pour l’auditeur. Les réviseurs d’entreprises devront en comprendre les conséquences et les évaluer au cours de leur mission.
Il faut être conscient du fait que chaque entité auditée rencontrera des difficultés ou bénéficiera d’opportunités particulières à la suite de la hausse de l’inflation.
Ainsi, à titre illustratif, les sociétés gourmandes en énergie, les sociétés dont la majorité des coûts est constituée de frais de personnel soumis à l’indexation automatique ou encore les sociétés utilisant des matières premières ou de l’énergie dont les prix ont fortement augmenté doivent faire l’objet d’un examen particulier.
Il est donc certain que dans le cadre des travaux d’audit, une attention particulière doit être consacrée aux conséquences potentielles d’une inflation élevée sur les activités des entités contrôlées par les réviseurs d’entreprises. Le réviseur d’entreprises devra prendre en compte l’impact que les hypothèses d’inflation peuvent avoir à moyen et à long terme et même sur des chiffres à plus court terme, tant sur les coûts que sur les produits de l’entité contrôlée.
Dans le cadre de l’identification et de l’évaluation des risques, conformément à la norme ISA 315 (Révisée), les réviseurs d’entreprises devront comprendre les contrôles mis en place par la direction pour déterminer s’il convient de mettre en œuvre des contrôles complémentaires dans le cadre de l’approche d’audit.
Par exemple, on peut raisonnablement s'attendre à ce que les contrôles internes mis en place par les personnes constituant le gouvernement d'entreprise en matière d'information financière anticipent les variations de l'inflation. Les réviseurs d’entreprises doivent tenir compte de l'impact sur le modèle économique de l'entité contrôlée, par exemple en ce qui concerne les taux d'intérêt et les prix de revient.
Nous souhaitons également rappeler l’article 15 de la loi du 7 décembre 2016 qui dispose en son alinéa 3 que « Le réviseur d'entreprises maintient une attitude de scepticisme professionnel, en particulier lors de l'évaluation des estimations de la direction concernant les justes valeurs, la dépréciation des actifs, les provisions et les flux de trésorerie futurs, qui sont pertinentes pour se prononcer sur la continuité de l'exploitation. »
Par conséquent, par votre rôle d’auditeur indépendant, il y a lieu d’insister auprès des personnes constituant le gouvernement d'entreprise et de la direction afin d’obtenir toutes les informations concernant l’impact de l’inflation sur les coûts et produits de l’entreprise. Il ne faut pas non plus hésiter à challenger vos clients quant aux prévisions d’évolution des cash-flows et de résultats qui vous sont soumises.
L’impact que l’inflation élevée peut avoir sur, entre autres, les coûts de l’entité contrôlée et de son personnel, les marges bénéficiaires, la dépréciation des actifs financiers ou non financiers et la projection des flux de trésorerie (cash-flow) peut également affecter la continuité de l'exploitation de l’entreprise.
Un autre point d’attention important pour le commissaire concerne les assurances-groupes et les fonds de pension, en particulier, mais de façon non exclusive, s’il s’agit de régimes du type « but à atteindre » (prestations définies) pour lesquels l’inflation élevée que nous connaissons actuellement peut avoir un impact significatif sur le sous-financement de ces pensions complémentaires avec pour conséquence un financement complémentaire à prévoir par l’entreprise et, le cas échéant, des provisions à acter.
Comme vous le voyez, l'environnement macroéconomique évolue en permanence et les personnes constituant le gouvernement d’entreprise doivent veiller à ce que les informations et les prévisions les plus récentes soient intégrées dans les budgets et les prévisions.
Le réviseur d’entreprises doit, quant à lui, dans son rôle de commissaire, demeurer particulièrement attentif et évaluer, lors de ses travaux, le principe comptable de continuité d'exploitation de l’entreprise conformément à la norme ISA 570 (Révisée) et aux obligations de base découlant du CDE (art. XX.23 § 3) et du CSA (art. 3:69, 3:98, § 2 et 3:99, § 2).