8 décembre 2022
Marc Bihain, secrétaire-général IRE
Du 14 au 18 novembre dernier, j’ai eu l’occasion d’assister avec le Président de l’IRE, Patrick Van Impe, et le président honoraire, Michel De Wolf, à l’assemblée générale annuelle (2022 Council Meeting) de l’IFAC (International Federation of Accountants) qui s’est tenue à Mumbai, capitale économique de l’Inde.
Ces rencontres annuelles de la profession réunissant auditeurs et experts-comptables du monde entier sont très importantes. Elles permettent de prendre le pouls de la profession au niveau global, de comprendre les défis et les préoccupations des collègues étrangers et elles sont une source essentielle d’idées et d’inspiration quand on est de retour au pays.
Que retenir de ce Council Meeting de l’IFAC ?
Le reporting et l’audit des informations de durabilité constituent certainement, au niveau mondial, le défi le plus important pour notre profession pour les années à venir. Le chantier qui nous attend est immense. Tout d’abord, il y a le défi technique de rédiger, en un temps record, de nouvelles normes de reporting et d’audit relativement aux informations de durabilité. Les équipes de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) travaillent d’arrache-pied. Toutefois, le respect du timing n’est pas garanti.
Ensuite, il faudra sensibiliser nos clients confrontés à ces nouvelles exigences. Nombre d’entre eux sont aujourd’hui insuffisamment conscients de l’impact de ces nouvelles normes sur leur business model. La plupart de nos clients devront modifier en profondeur leur organisation, voire se transformer complétement.
S’agissant des cabinets d’audit, une évolution profonde nous attend également. Nous devrons acquérir de nouvelles compétences tant en interne (via des campagnes de formation) qu’en externe (en attirant dans nos cabinets des experts) nous permettant de réaliser ces nouvelles missions.
Le président de l’IFAC a clairement encouragé la profession à relever ce défi avec détermination et professionnalisme.
Pour l’Union européenne, ce challenge est à très court terme. Avant la fin de l’année 2022, la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) sera publiée au journal officiel de l’Union européenne. Les Etats membres disposeront alors d’un délai de 18 mois pour la transposer dans leur législation nationale. Nous serons particulièrement attentifs à ce processus de transposition dans notre pays afin que l’intérêt général garanti par les réviseurs d’entreprises soit correctement pris en considération.
Après plusieurs années de discussions, le CEO de l’IFAC, Kevin Dancey, et son président, Alan Johnson, ont pu fièrement annoncer qu’un accord avait été atteint avec le « Monitoring group » concernant le processus d’approbation des normes applicables à notre profession.
Le « Monitoring group » est un organisme comprenant plusieurs institutions financières internationales et organismes de réglementation qui s’engagent à promouvoir l’intérêt public dans les domaines liés à l’établissement des normes internationales d’audit ainsi qu’à la qualité de l’audit. Il est actuellement coprésidé par Jean-Paul Servais, président de la FSMA (Financial Services and Markets Authority), et Paul Munter de la SEC (Securities and Exchange commission).
Sans entrer dans les détails techniques de l’accord conclu entre le « Monitoring group » et l’IFAC, je puis souligner qu’il s’agit de s’assurer que le processus de rédaction et d’approbation des normes internationales d’audit produise des normes de qualité qui soient non seulement techniquement robustes, mais qui tiennent également compte des préoccupations d’intérêt général de tous les stakeholders et du bon fonctionnement des marchés financiers (représentés par le Monitoring Group).
La profession peut sincèrement se réjouir de cet accord, lequel augmentera encore la crédibilité des normes internationales applicables aux auditeurs du monde entier et donc également dans notre pays. Cela facilitera les discussions avec le CSPE (Conseil supérieur des Professions économiques) dans le cadre du processus, souvent trop long, d’approbation des normes en Belgique.
Soulignons encore qu’à l’occasion des discussions relativement à cet accord, la délégation belge a fait part de ses préoccupations et de ses attentes vis-à-vis de cette nouvelle instance. Nous avons notamment rappelé que les normes d’audit ne concernent pas que les Entités d’Intérêt Public et devront, dès lors, rester proportionnées à la taille et à la complexité des sociétés auditées.
Le CEO de l’IFAC, Kevin Dancey, nous a assuré que ce serait bien le cas et qu’en outre le projet de norme d’audit relative aux audits des entités moins complexes (LCE) continuerait son processus d’approbation sans subir de délais.
L’attractivité de la profession est un problème global qui est en tête des préoccupations des responsables d’audit dans quasi tous les pays du monde.
Toutefois, ce problème global ne peut être résolu que localement. L’IFAC nous encourage à prendre au niveau local toutes les initiatives nécessaires pour améliorer l’attractivité de notre profession afin d’attirer, d’accueillir, de former et de retenir les meilleurs éléments.
À cet égard, le président Patrick Van Impe a déjà pris, dès son retour en Belgique, plusieurs initiatives en ce sens avec la commission du stage.
Nous vous en reparlerons ultérieurement.
L’IFAC a élu Madame Asmâa Resmouki à sa présidence. Madame Resmouki est la première présidente de l'IFAC issue de la région Afrique-Moyen-Orient et la troisième femme présidente. Elle exercera un mandat de deux ans jusqu'en novembre 2024. Asmâa Resmouki a rejoint le conseil d'administration de l'IFAC en novembre 2017, initialement nommée par l'Ordre des experts-comptables du Maroc.
En plus de son travail avec l'IFAC, elle a été la première femme présidente de la Fédération panafricaine des comptables (PAFA), après avoir siégé au conseil d'administration durant six ans. Madame Resmouki a plus de 30 ans d'expérience dans la profession, notamment en tant qu'associée au sein de 2 cabinets d’audit.
Le Council de l'IFAC a également procédé à l'élection de Jean Bouquot au poste de vice-président. Jean Bouquot a été président de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (France) de 2017 à 2020. Il a plus de 42 ans d'expérience en tant qu'auditeur dans divers postes avec une large exposition aux activités internationales.
Nous pouvons nous réjouir de ces nominations d’anciens associés de cabinets d’audit, tous deux francophones, qui permettront de faire entendre les voix de l’Afrique et de l’Europe dans un monde dominé historiquement par la culture anglo-saxonne.
Le président de l’IRE et moi-même les avons chaleureusement félicités en formulant le vœu d’une collaboration constructive avec notre pays.
À la suite du Council de l’IFAC, l’ICAI (Institute of Chartered Accountants of India) a accueilli près de 6.000 participants (dont 4.500 en provenance de l’Inde) au WCOA (World Congress of Accountants).
Ce fut l’occasion pour la fonction comptable et d’audit du sous-continent indien de montrer tout son dynamisme et aussi une leçon d’humilité pour la vieille Europe.