2 décembre 2022

 

Fernand Maillard, réviseur d’entreprises

 

Le principe général du CSA (et antérieurement du Code des sociétés) est de ne prévoir pour les A(I)SBL et fondations aucune obligation de consolidation et de ne définir à leur niveau aucune notion de
« groupe » ou de « consortium ». Cela concerne exclusivement les sociétés.

On a donc coutume de dire que les ASBL (et AISBL et fondations) ne sont pas concernées par la consolidation des comptes et, si on ne voit pas de publication de comptes annuels consolidés d’associations et/ou fondations, on notera cependant une exception : les partis politiques. En effet, la loi du 4 juillet 1989 (art. 23 de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour l'élection de la Chambre des représentants, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques) prévoit l’obligation de présenter des comptes consolidés pour l’ensemble des entités faisant partie du périmètre de consolidation, la loi précisant les entités incluses dans ce dernier (il peut s’agir d’associations et fondations, d’associations de fait et de sociétés), avec un schéma spécifique de comptes annuels (avec bilan, compte de résultats et d’annexes). La loi prévoit que ces comptes consolidés sont contrôlés par un réviseur d’entreprises.

On pourrait aussi ajouter que les groupes d’associations et/ou de fondations auraient sans doute intérêt à établir des comptes (internes) consolidés de manière volontaire de sorte à appréhender la situation financière non seulement par entité mais également au niveau global du groupe (tant pour le bilan que le compte de résultats ainsi que, entre autres, des droits et engagements, endettement, etc.).

En dehors de cette exception, en quoi les associations et fondations sont-elles concernées par la consolidation des comptes ? On pourra se référer à un avis publié par la Commission des Normes Comptables,  portant entre autres sur ce sujet (voir les points 13, 15, 20 et l’exemple 7 de cet avis)[1].

Les associations et fondations peuvent faire partie du périmètre de consolidation en tant qu’entreprises filiales  

L’actuelle définition de la notion d’ entreprise filiale (CSA) est strictement la même que celle de l’ancien code des sociétés (art. 109) et ne permet plus d’exclure les associations et fondations du périmètre de consolidation comme c’était le cas sous le Code des sociétés. L’article 3:22 CSA précise que, pour l’application des règles relatives aux comptes consolidés, au rapport de gestion et aux prescriptions en matière de publicité, ladite notion englobe également « les organismes de droit belge ou étranger, publics ou non, avec ou sans distribution des bénéfices, qui, en raison de leur mission statutaire ou non, exercent une activité à caractère commercial, financier ou industriel ». Les associations et fondations qui se livrent à de telles activités peuvent donc être qualifiées d’entreprises filiales au sens de l’art. 3:22 CSA et doivent, le cas échéant, faire partie du périmètre de consolidation en tant que filiales d’une société faisant partie d’un consortium, pour autant que l’entreprise mère exerce un contrôle sur cet organisme.

La question qui se pose immanquablement est comment définir la notion d’activité « à caractère commercial, financier ou industriel » à partir du moment où la législation belge a banni la notion d’acte de commerce (depuis 2018… Et, pour mémoire, le CSA a été créé en avril 2019 !). Cela va engendrer pas mal d’incertitude et restera source de conflit. On pourra penser à certains secteurs sportifs (comme par exemple le football) : beaucoup de discussions en perspectives et sans doute des questions à poser à la Commission des Normes Comptables (s’agissant de l’application de la législation comptable) ou des avis à demander (dans le cadre des DIDC[2]).

Les associations et fondations en tant que direction unique de sociétés peuvent présumer de l’existence d’un consortium  

La notion de consortium est définie à l’article 1 :19 §1er CSA (« Par "consortium", il faut entendre la situation dans laquelle une société, d'une part, et une ou plusieurs autres sociétés de droit belge ou étranger, d'autre part, qui ne sont ni filiales les unes des autres, ni filiales d'une même société, sont placées sous une direction unique. »).

Il existe une présomption irréfragable (art. 1:19 §2 CSA) de la présence d’une direction unique à la tête de plusieurs sociétés lorsque la direction unique résulte d’accords conclus entre ces sociétés ou des dispositions statutaires, ou si les organes d’administration se composent en majorité des mêmes personnes (physiques ou morales). Conformément aux dispositions de l'article 2:55 du CSA, lorsqu'une personne morale est nommée administrateur d'une société, elle est tenue de désigner un représentant permanent chargé de l'exécution de cette mission au nom et pour le compte de la personne morale. Ce représentant permanent représentera exclusivement la personne morale sans qu'il soit question de subrogation. La présomption ne s'applique pas au représentant permanent lui-même.

Et il existe une présomption réfragable (art. 1:19 §3 CSA) de présence d’une direction unique à la tête de plusieurs sociétés lorsque la majorité des droits de vote attachés aux actions ou aux autres titres sont détenus par les mêmes personnes, sauf si les actions ou les autres titres sont détenus par des personnes de droit public (voir aussi l’art. 1:16 CSA sur la détermination du pouvoir de contrôle)

À quel moment la présence d’une direction unique doit-elle être établie ?

Si le CSA est muet sur le sujet, la CNC s’est par contre déjà exprimée sur le sujet (avis 2022/03 du 19 janvier 2022[3]) pour déterminer la taille d'une société. Dans cet avis, la CNC précise que si la société est liée à une ou plusieurs autres sociétés au sens de l’article 1:20 du CSA, l'application des critères de taille d'une société s'effectue toujours sur une base consolidée ou agrégée à la date de clôture du bilan du dernier exercice clôturé. L’article 1:19, § 1er, du CSA ne détermine pas de façon explicite le moment auquel la présence d'une direction unique doit être établie. La directive 2013/34/UE14 vise uniquement la situation où les organes d’administration sont composés en majorité des mêmes personnes : « [...] les organes d'administration, de gestion ou de surveillance de cette entreprise ainsi que ceux d'une ou plusieurs autres entreprises [...] sont composés en majorité des mêmes personnes en fonction durant l'exercice et jusqu'à l'établissement des états financiers consolidés ».

Importance sous l’angle de l'établissement des comptes statutaires

Dans son avis 2022/09 la CNC rappelle que : « L’établissement des comptes statutaires nécessite également une bonne compréhension de la définition du consortium. Les actions ou les autres titres détenus dans une société membre d’un consortium sont portées au bilan des comptes statutaires de la société participante, quelle que soit l’importance de cette participation, parmi les immobilisations financières, sous les « Entreprises liées ». Il en va de même pour les actions ou les autres titres détenus dans des sociétés qui, à la connaissance de leur organe d’administration, sont contrôlées par une société membre du consortium. Les créances sur les entités précitées sont elles aussi comptabilisées parmi les immobilisations financières lorsque ces créances ont pour but de soutenir durablement l'activité de ces sociétés liées ».  

L’association/fondation comme critère pour définir un consortium

On pourrait donc se trouver dans un cas de consortium soit si la même association et/ou fondation possède des droits de vote majoritaires (actions, parts ou autres titres dans plusieurs sociétés), soit si plusieurs sociétés sont placées sous la direction unique de la même association et/ou fondation.

Dans ce cas, l’obligation de consolidation incombe conjointement aux sociétés formant le consortium car elles sont placées sous une direction unique. L’établissement des comptes consolidés et du rapport de gestion sur les comptes consolidés ainsi que leur publication incombent conjointement à ces sociétés, qui constituent le périmètre de consolidation.

La fondation ou A(I)SBL qui assure la direction unique n’est pas tenue à l’obligation de consolidation vu que cette obligation s’applique uniquement aux sociétés dotées de la personnalité juridique (art.3:22 CSA - Comptes annuels des sociétés dotées de la personnalité juridique) et qu’une A(I)SBL ou une fondation ne peut donc en aucun cas être une société mère.

Conclusion

On peut donc en conclure qu’il est nécessaire, dans les sociétés que vous contrôlez, de bien examiner la composition de la direction (organe d’administration) et/ou de l’actionnariat, la présence éventuelle d’associations et/ou de fondations dans ces organes et de vérifier si un consortium ne serait pas d’actualité avec d’autres sociétés, au travers de l’actionnariat et/ou d’une direction unique.

 

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[1] Avis CNC 2022/09 du 1er juin 2022 – Consolidation d’un groupe horizontal (consortium), cf. https://www.cnc-cbn.be/fr/avis/consolidation-dun-groupe-horizontal-consortium-0

[2] DIDC = Décisions Individuelles relevant du Droit Comptable, https://www.cnc-cbn.be/fr/decisions-individuelles.

[3] Avis CNC 2022/03 du 19 janvier 2022 – Application des critères de taille visés aux articles 1:24 et 1:25 du Code des sociétés et des associations, cf. https://www.cnc-cbn.be/fr/avis/application-des-criteres-de-taille-vises-aux-articles-124-et-125-du-code-des-societes-et-des

 

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